Non, le passé simple ne doit pas mourir

Le passé simple n'est pas souvent enseigné à l'école et pourtant, cette forme verbale est très importante : elle va te permettre de lire des oeuvres littéraires en français. Dans certaines situations, les Français l'utilisent même pour parler. Alors ce serait dommage de faire l'impasse sur le passé simple !

Parfois, la langue française est vraiment pleine de richesses et de sombres mystères. Voici par exemple deux formes verbales qui donnent plus ou moins la même idée : elles expriment toutes deux l’idée d’un passé ponctuel et daté.

Mais l’une, le passé composé, s’utilise à l’oral comme à l’écrit, dans un registre de langue qui peut être soutenu, courant ou familier. Tandis que l’autre, le passé simple, ne se trouve guère que dans la littérature.

Seulement dans la littérature ? Enfin, pas seulement. Et puis, ça dépend… Mais parfois, ça ne se passe pas comme ça…

Bref, tu as bien compris : quand tu te penches sur ces deux formes, quand tu veux approfondir ton apprentissage du français, quand tu veux enrichir tes capacités langagières en français, tu tombes souvent sur des perles telles que la différence d’utilisation entre le passé composé et le passé simple.

Dans cet article, tu découvriras...

- Pourquoi le passé simple ne peut pas mourir

- Une biographie (rédigée au passé simple) pour te présenter Alexandra David-Néel, une femme hors du commun 

- Comment former le passé simple et son "grand frère", le passé antérieur

- Des fichiers-sons pour t'aider à prononcer les verbes au passé simple.

Deux temps pour exprimer la même idée

Le passé simple, c’est l’équivalent littéraire du passé composé. Il s’emploie en parallèle avec l’imparfait, tout comme c’est le cas pour le passé composé, dans une langue plus usuelle, moins soutenue.

Le passé simple est principalement une forme littéraire et par conséquent, une forme écrite. Alors, bien sûr, si ton but, c’est de communiquer avec des Francophones, tu vas me dire que tu peux faire l’impasse sur ce temps verbal.

D’accord, mais attention, il y a un hic… Ou même plusieurs !

Le passé simple pour lire des livres de fiction

Tout d’abord parce que si tu décides d’ignorer radicalement l’existence du passé simple, tu auras des difficultés à lire le moindre récit littéraire, ou à volonté littéraire.

Même les romans de gare, expression péjorative pour des livres à la lecture facile (qu’on achète en attendant de prendre son train, par exemple), même les livres pour les bébés (les bébés français 🤣) ne sont pas écrits avec le couple passé composé / imparfait : dans les livres de fiction, le passé simple vient remplacer le passé composé. Voici par exemple la conclusion d’un conte de fée :

  • Ils se marièrent, eurent beaucoup d’enfants et vécurent heureux tous ensemble.

Donc… Si tu aimes lire, si tu veux lire des livres en langue française (ce que je te recommande, ça ne peut que booster tes compétences linguistiques), alors tu ne peux pas faire l’impasse sur le passé simple.

Le passé simple, un passé « historique »

Il existe une autre situation dans laquelle le passé simple est fréquemment utilisé : il représente un passé historique par opposition à un passé personnel qui sera exprimé au passé composé. Et dans ce cas, on peut même le rencontrer à l’oral :

  • Hier, je suis allée pique-niquer sur les îles de Lérins avec des amis. On a passé une super journée : on s’est baignés, on s’est fait bronzer, et on a aussi visité la prison où le Masque de Fer fut emprisonné pendant onze ans.

Les cinq premiers verbes sont conjugués au passé composé : ils expriment mon passé, ce que moi, j’ai fait hier.

Le dernier verbe, fut emprisonné, est conjugué au passé simple parce que là, je parle d’un passé historique, celui du Masque de Fer, ce mystérieux personnage rendu célèbre par Voltaire, Victor Hugo et Alexandre Dumas qui passionna (passé simple) des générations d’historiens, de romanciers et de scénaristes.

En tant que passé historique, tu vas entendre le passé simple quand les Français parlent, comme dans l’exemple précédent. Et tu vas aussi régulièrement le rencontrer à l’écrit, dans des articles de presse.

Alexandra David-Néel, une femme hors du commun

Un des domaines de prédilection du passé simple, c’est la biographie. Je vais maintenant te parler d’une Française qui m’a toujours fascinée. Ce texte te permettra d’observer les passés simples dans leur milieu naturel, la biographie, genre qui allie un passé historique à une certaine qualité littéraire, voire romanesque

Essaie au fil de ta lecture de comprendre les verbes que j’ai écrits en caractères gras, les passés simples, donc. Sauras-tu retrouver tous leurs infinitifs ?

Alexandra David-Neel vécut une vie extraordinaire : elle fut tour à tour chanteuse lyrique et féministe, journaliste et anarchiste, écrivaine et exploratrice, rebelle et, en 1921, à sa majorité, elle devint l’une des premières bouddhistes de France !

  • elle vécut → vivre ; elle fut → faire ; elle devint → devenir.

Elle naquit en 1868 et grandit entre la France et la Belgique. Pendant son enfance, elle se passionna pour les romans de Jules Vernes et décida que, comme les héros de ses livres, elle ferait le tour du monde : à 15 ans, elle fit sa première fugue en direction de l’Angleterre, mais dut rentrer chez ses parents, faute d’argent.

  • elle naquit → naître ; elle grandit → grandir ; elle se passionna → se passionner ; elle décida → décider ; elle fit → faire ; elle dut → devoir.

Alexandra David-Neel reçut une éducation classique et étudia la musique et le chant au Conservatoire Royal de Bruxelles. Elle eut une première carrière de cantatrice et put enfin réaliser son rêve de petite fille : grâce à sa voix extraordinaire, elle voyagea sur tous les continents et fut invitée à chanter dans les plus grands opéras du monde.

  • elle reçut → recevoir ; elle étudia → étudier ; elle eut → avoir ; elle put → pouvoir ; elle voyagea → voyager ; elle fut invitée → être invitée (verbe inviter au passé simple passif).

C’est d’ailleurs pendant une tournée en Afrique du Nord qu’elle rencontra, en 1900, Philippe Néel, un ingénieur français qui devint son amant. Ils se marièrent en 1904.

  • elle rencontra → rencontrer ; il devint → devenir ; ils se marièrent → se marier.

Mais un jour de 1911, Alexandra David-Neel choisit d’abandonner carrière et époux, pour revenir à sa première passion : l’Asie. Elle partit seule en Inde, pour un voyage d’études d’un an et demi qui dura en fait plus de quatorze ans. Malgré cette longue séparation, les deux époux restèrent profondément amoureux et continuèrent à s’échanger des lettres jusqu’à la mort de Philippe, en 1941.

  • elle choisit → choisir ; elle partit → partir ; il dura → durer ; ils restèrent → rester ; ils continuèrent → continuer.

On peut dire qu’Alexandra David-Neel naquit une seconde fois, à l’âge de quarante-trois ans, le jour où elle décida de consacrer sa vie à réaliser son rêve : étudier les différentes facettes du bouddhisme, dans les pays asiatiques.

  • elle naquit → naître ; elle décida → décider.

Pour elle, commença alors une vie d’errance : de l’Inde au Tibet, de la Chine au Japon, elle sillonna l’Asie, à pied, à dos de mule ou de yaks. En 1924, à l’âge de 56 ans, elle s’introduisit clandestinement à Lhassa, la capitale du Tibet qui était interdite aux étrangers à cette époque.

  • elle commença → commencer ; elle s’introduisit → s’introduire.

Pour y entrer, elle se déguisa en mendiante et fut la première Occidentale à y vivre parmi les Tibétains.

  • elle se déguisa → se déguiser ; elle fut → être.

Entre deux voyages, elle revint en France, à Dignes-les-Bains où elle s’acheta une maison pour y écrire les récits de ses aventures. « Voyages d’une Parisienne à Lhassa », publié en 1927, fut un extraordinaire succès à son époque. En tout, elle publia une trentaine de livres sur des sujets divers : analyses du Bouddhisme, romans, récits de voyages, essais féministes, etc.

  • elle revint → revenir ; elle s’acheta → s’acheter ; il fut → être ; elle publia → publier.

Jusqu’à l’âge de 78 ans, elle poursuivit ses voyages à travers toute l’Asie. Elle revint ensuite vivre dans sa maison de Dignes où elle vécut jusqu’à sa mort, à 101 ans. Elle mourut le 8 septembre 1969, mais l’année d’avant, à 100 ans, elle avait demandé un renouvellement de son passeport !

  • elle poursuivit → poursuivre ; elle revint → revenir ; elle vécut → vivre ; elle mourut → mourir.

Et maintenant, le mot de la fin, une citation d’Alexandra David-Néel : si jamais tu te demandes comment choisir tes buts dans la vie, écoute-la :

« Choisissez une étoile, ne la quittez pas des yeux. Elle vous fera avancer, sans fatigue et sans peine. »

Comment conjuguer un verbe au passé simple

Tu n’auras sans doute jamais besoin d’apprendre à former le passé simple, mais il est essentiel de savoir le reconnaître, surtout si tu aimes lire, que ce soit de la fiction ou non. Le passé simple est par chance très facile à reconnaître.

Je suppose qu’à la lecture du texte ci-dessus, tu as reconnu presque tous les verbes. La plupart sont transparents : elle grandit, elle se passionna, elle vécut, elle dut grandir, se passionner, vivre, devoir...

Certains verbes sont plus problématiques : elle naquit, elle fut, elle fit, elle vint naître, être, faire, venir…

Conjuguer au passé simple les verbes du 1er groupe, en -ER

60% des verbes français appartiennent au premier groupe. Le premier groupe, ce sont tous les verbes en -ER à l’infinitif.

Au passé simple, ils se conjuguent tous -sans exception😝- de la manière suivante :

ALLER
j'allai
tu allas
il alla
nous allâmes
vous allâtes
ils allèrent

Conjuguer au passé simple les verbes du 2e groupe, en -IR

FINIR
je finis
tu finis
il finit
nous finîmes
vous finîtes
ils finirent

Ce qu’on appelle le deuxième groupe, ce sont des verbes qui ont un infinitif en -IR et se conjuguent sur le modèle du verbe finir au présent :

FINIR au présent
je finis
tu finis
il finit
nous finissons
vous finissez
ils finissent

Tu peux remarquer que les trois personnes du singulier -je-tu-il- sont identiques au passé simple et au présent.

grandir, rougir, vieillir, choisir, démolir, punir... sont des verbes du deuxième groupe.

partir, sortir, venir, fuir, voir… ne sont pas des verbes du deuxième groupe : leur conjugaison n’est pas comme celle de finir au présent.

Conjuguer au passé simple les verbes en -RE

PRENDRE
je pris
tu pris
il prit
nous prîmes
vous prîtes
ils prirent

Conjuguer au passé simple les autres verbes

Les autres verbes vont se conjuguer sur deux modèles : en /i/ et en /u/ :

Les verbes au passé simple avec une conjugaison en /i/

faire, voir, sortir, partir, fuir... vont se conjuguer comme finir ou prendre :

FAIRE
je fis
tu fis
il fit
nous fîmes 
vous fîtes
ils firent
VOIR
je vis
tu vis
il vit
nous vîmes
vous vîtes
ils virent

Les verbes au passé simple avec une conjugaison en /u/

être, avoir, vivre, croire, pouvoir… vont avoir une conjugaison en /u/

ÊTRE
je fus
tu fus
il fut
nous fûmes
vous fûtes
ils furent
AVOIR
j'eus
tu eus
il eut
nous eûmes
vous eûtes
ils eurent

venir et tenir, 2 verbes qui ne se conjuguent pas en /i/ ou en /u/

VENIR
je vins
tu vins
il vint
nous vînmes
vous vîntes
ils vinrent
TENIR
je tins
tu tins
il tint
nous tînmes
vous tîntes
ils tinrent

Tous les verbes basés sur venir et tenir se conjuguent également sur ce modèle au passé simple : devenir, revenir, parvenir, survenir, advenir et détenir, retenir, obtenir

Conjuguer au passé antérieur

Le passé antérieur, c’est la forme composée du passé simple. Ce temps est employé pour des actions qui se sont déroulées avant le passé simple.

  • Quand il eut compris, il se mit à pleurer → D’abord il comprend (passé antérieur), puis il se met à pleurer (passé simple).
  • Nous allâmes nous baigner dès que nous fûmes arrivésD’abord on arrive (passé antérieur), puis on va se baigner (passé simple).
  • ils se réconcilièrent après qu’ils se furent disputésD’abord ils se disputent (passé antérieur), puis ils se réconcilient (passé simple).

Comme tous les temps composés du français (passé composé, plus-que-parfait, subjonctif passé, conditionnel passé…), le passé antérieur se construit avec être ou avoir au passé simple, suivi du participe passé.

En conclusion

Le passé simple n’est pas un temps sicompliqué que ça.

Incontournable dans les ouvrages de fiction, il est encore bien vivant dans la presse et même dans la bouche des Français. Certes, les formes nous et vous sont rarement employées car elles sonnent bizarres aujourd’hui : nous parlâmes, vous pûtes (pouvoir).

Maintenant que tu as ces informations, ouvre n’importe quel roman et repère les passés simples et les passés antérieurs.

Bonne lecture !

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